Dans un premier cours, nous avons retracé l'histoire de l'internet, des années 60 à nos jours. Nous avons vu comment de nouvelles applications s'étaient développées au début des années 2000 permettant à l'internaute de produire des contenus, de les partager et de collaborer en ligne, faisant de lui un "webacteur".
Ensuite, nous avons parlé du droit de l'internet. Nous avons vu que l'Internet n'était pas une zone de non droit et que les règles du monde réel s'y appliquaient. Nous avons pourtant aussi remarqué que les anciennes lois, notamment dans les domaines de la création et du droit d'auteur, devaient s'adapter à la révolution numérique en cours.
Avec ce 3e cours, nous allons continuer de parler de ces évolutions liées à l'émergence d'internet. Celles qui font qu'une partie toujours plus importante de notre vie - de nos actes, de nos décisions, de notre histoire personnelle, sociale, amicale, citoyenne ou professionnelle - passe par le réseau.
A notre identité physique s'ajoute désormais une identité numérique.
Nous allons tenté de définir cette notion d'identité numérique, aborder la manière dont on va pouvoir développer cette identité "en ligne" pour accroitre notamment ses réseaux d'entraide et d'influence amicaux et professionnels, voir aussi comment protéger cette identité : contre les risque d'usurpation, de violation de notre vie privée ou d'atteinte à notre e-réputation.
La cartographie de l'identité numérique, selon Fred Cavazza, sur Flickr, sur son blog
Nous évoluons dans un monde virtuel de plus en plus ouvert et participatif. Cette participation nous amène à nous dévoiler chaque jour un peu plus. La frontière entre vie privée et vie publique devient de plus en plus floue. La transparence devient le maître mot. L'internet a révolutionné l'accès aux informations, mais il bouleverse aussi notre rapport aux autres. La Fing a réalisé 2 cartes montrant l'évolution de notre identité numérique du web 1.0, copié sur le monde physique, vers le web 2.0, qui intègre de nouvelles règles :
"Le paysage de l'identité numérique en 2000 : un monde défensif axé sur la sécurité, la protection, l'identification", Fing sur Flickr
"Le paysage de l'identité numérique en 2008 : la naissance d'identités
actives via le web 2.0, la valorisation de soi et les réseaux sociaux", Fing sur Flickr
Au début des années 2000 est apparu une nouvelle expression : "Googleler". Entré depuis dans le dictionnaire aux USA, le verbe "Googleler" signifie taper le nom d'une personne dans un moteur de recherche pour tout connaître sur elle.
Ainsi peut-on simplement définir l'identité numérique : c'est l'ensemble des données mises en ligne (par vous ou par d'autres) qui se rattachent à votre personne : vos profils créés sur les réseaux sociaux, comme Facebook, les notes publiées sur votre blog, vos photos mises en ligne sur Flickr, vos films sur Dailymotion, vos contributions sur des forums, vos commentaires laissés sur des sites, mais aussi tout ce qui se dit sur vous, etc.
Toutes ces données - ces traces laissées sur le réseau - constituent votre image sur le Net. Fred Cavazza parle d'"ADN numérique d'un individu".
Nous ne sommes pas anonymes sur Internet. Nous laissons de nombreuses "traces" :
"Dès qu’il se connecte, votre ordinateur est identifié de manière unique sur le réseau. Tout l’enjeu, essentiellement mercantile, consiste ensuite, pour une
entreprise, de transformer des identifiants en identifié, autrement
dit, de préciser la personnalité numérique qui se cache derrière votre
identité numérique", écrit Denis Weiss.
Il a créé une page : Testez votre signature numérique,
qui rassemble des outils et services en ligne du Web (webmail, Facebook, MySpace, YouTube, FlickR, Wikipédia…) pour regarder de plus près les traces que l’on fait figurer publiquement sur Internet, à partir de l’indication d’un prénom et d’un nom.
123people est un moteur de recherches basée sur les personnes.
Ce "double numérique", il s'agit de savoir le gérer, comme vous gérez votre image dans la vraie vie : vous faites attention à la manière dont vous vous présentez aux autres, vous tenez à votre réputation, vous cherchez à développer votre cercle de relations amicales et professionnelles. En ligne, vous faites la même chose, avec des outils qui vous permettent d'accroitre votre capacité à établir des liens avec d'autres.
Le pire pour vous serait d'être inexistant : imaginez qu'un futur employeur ou un associé potentiel tape votre nom dans Google et qu'il ne trouve rien. Votre CV sur papier ne suffit plus. Ce que vous avez dit et fait, les choses que vous avez réalisées, tout cela doit être exposé sur le Net.
Christophe Blazquez, recruteur et chasseur de tête, explique dans une vidéo que la réputation numérique compte désormais dans les recrutements :
Mais un autre risque, si vous n'êtes pas vous même actif sur le net, est que votre identité repose finalement sur du contenu publié par d'autres que vous : vous laissez le soin à des étrangers de fabriquer votre image virtuelle à votre place, y compris sous un jour défavorable.
Le principe est simple : si vous ne parlez pas de vous sur Internet, vous laissez les autres parler de vous à votre place !
"Il faut soigner votre image chaque jour sur le Net", écrivent sur leur site "les infostratèges".
Dans sa "Cartographie de l'identité numérique" (image ci-dessus), Fred Cavazza propose le regroupement suivant :
- Les coordonnées, c’est à dire tous les moyens numériques qui permettent de joindre un individu (email, messagerie instantanée, N° de téléphone), de l’identifier (fichier FOAF ou hCard) ou de le localiser (Adresse IP) ;
- Les certificats qui sont délivrés par des organismes ( Certinomis, Thawte…), des services ( OpenID, ClaimID, Naimz ou des logiciels ( CardSpace) afin d’authentifier un utilisateur ;
- Les contenus publiés à partir d’outils d’expression qui permettent de prendre la parole : blog, podcast, videocast, portail de journalisme citoyen ( Agoravox, Wikio…) ;
- Les contenus partagés à l’aide d’outils de publication : photos ( FlickR), vidéos ( YouTube, Dailymotion…), musique ( Radio.blog.Club) ou liens ( del.icio.us) ;
- Les avis sur des produits ( U.lik, CrowdStorm, iNods…), des services, des prestations (ex. voyages avec TravelPost) ou même information ( Digg) ;
- Les hobbies qui sont partagés par les passionnés sur des réseaux sociaux de niche ( Boompa pour l’automobile, Cork’d pour le vin, BakeSpace pour la cuisine…).
- Les achats réalisés chez des meta-marchands (comme Amazon ou eBay), avec des systèmes de paiement (comme Paypal ou Google Checkout) ou de programmes de points de fidélité (comme S’Miles ou Maximiles) qui permettent de modéliser les habitudes de consommation ;
- La connaissance diffusée au travers d’encyclopédies collaboratives ( Wikipedia), de plateforme de FAQ collaborative (comme Yahoo! Answers ou Google Answers) ou de sites de bricoleurs ( Instructables) ;
- Les portails ( Monster, WetFeet…) et réseaux sociaux ( LinkedIn, Xing…) qui servent à donner de la visibilité à sa profession ;
- Les services qui gèrent la notoriété d’un individu ( Technorati, Cymfony…), sa fiabilité ( Biz360) et sa réputation ( RapLeaf, iKarma, ReputationDefender…) ;
- Les services de rencontre ( Meetic, Friendster…) et de fédération d’individus en audiences homogènes ( MySpace, MyBlogLog…) ;
- Les jeux en ligne ( World of Warcraft, Everquest…), les univers virtuels ( SecondLife, There, Habbo Hotel…) et les services en ligne ( SitePal, Gravatar) qui permettent d’afficher un avatar.
Nous voyons combien ces données personnelles mises en ligne sont nombreuses. Non seulement elles sont nombreuses, mais en plus elles resteront en ligne des années : tant qu'une page reste en ligne, son contenu sera disponible sur Google. Et même après sa disparition, elle pourra encore être disponible sur un site comme Archive.org. Dans ces conditions on se rend compte que gérer cette identité numérique demande une attention toute particulière.
Le bimestriel «Le Tigre» a réalisé un «portrait google» d'une personne prise au hasard, en retraçant sa vie à partir des informations qu'il avait laissées sur le web. Une éclatante démonstration de l'importance de gérer son identité numérique, a écrit Le Figaro.
Le blogue canadien sur La vie Privée des Jeunes donne 10 conseils pour protéger sa vie privée :
1. Réfléchissez avant de cliquer.
2. Assurez-vous de connaître vos amis.
3. Prêtez attention aux paramètres de confidentialité.
4. Protégez votre sécurité physique.
5. Protégez votre mot de passe et changez-le régulièrement.
6. Ne présumez jamais que ce que vous affichez en ligne est complètement privé.
7. N’affichez jamais de données personnelles.
8. Protégez votre adresse courriel.
9. Protégez votre vie privée – ainsi que celle de vos amis.
10. Soyez discret.
Les sites sociaux utilisent notre identité numérique pour faire de l'argent.
Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a réalisé une vidéo pour nous alerter sur ce risque.
marchandisation & identités numériques
envoyé par nikkojazz
FACEBOOK et la protection de vos données personnelles :
Lorsque vous ouvrez un compte sur un site de réseau social, la première chose à faire est de vérifier les réglages de confidentialité. Vous pouvez plus au moins ouvrir vos données personnelles sur l'extérieur. Le blog du modérateur propose ainsi des astuces pour protéger son profil Facebook.
"La gestion de son identité numérique commence au berceau"
Cette réflexion mi-ironique, mi-sérieure est d'Eric Dupin du site "Presse Citron" : "la gestion de son identité numérique commençait au berceau".
Dans une autre note, Eric a rassemblé "10 règles simples pour contrôler son image sur internet", qui toutes de bons conseils :
1 - enregistrer son nom de domaine.
2 - créer une page web personnelle, avec les éléments positifs et publics de sa vie.
3 - créer un pseudonyme facilement identifiable et utiliser toujours le même.
4 - Faire des liens vers sa page perso.
5 - Demander un droit de rectification aux sites qui diffusent une mauvaise image de vous.
6 - Demander à Google de désindexer les pages portant atteinte à votre réputation (un peu utopique !).
7 - Etre vigilant sur le marquage des photos dans Facebook (et sur tous les réseaux sociaux en général).
8 - Utiliser des systèmes d'alerte sur mots-clés.
9 - Vérifier son profil public dans Facebook (et sur tous les autres réseaux sociaux).
10 - Ouvrir un compte OpenID.
Il s'agit donc petit à petit de construire son double numérique, en veillant à ce qu'on dit et ce qu'on met en ligne et en s'intéressant aussi à ce que les autres disent de vous. Le plus simple est que ce double numérique soit le plus fidèle à ce que vous êtes réellement, qu'il y ait le moins de décalage possible entre ce que vous êtes dans la vraie vie et votre image en ligne. Mais attention, la transparence ne veut pas dire que vous devez exposer toute votre vie sur le Net. Au contraire : vous devez préserver votre vie privée. C'est à vous de déterminer, et vous seul, ce que vous voulez exposer et ce que vous tenez à garder pour vous.
J'ai interrogé Thierry Crouzet, journaliste, essayiste, auteur du "5e pouvoir" et du "Peuple des Connecteur", sur cette question de l'identité numérique et la transparence sur le net :
Protéger son identité numérique : le développement d'un système d'authentification
Sur Internet, vous surfez sans carte d'identité. Il n'y a pas d'administration qui vous délivre un passeport. Rien n'est plus simple par conséquent de se faire passer pour un autre. Sur Facebook, par exemple, vous pouvez créer un profil sans contrôle à priori. Vous mettez le nom que vous voulez. Ainsi de nombreux profils de personnalités se révèlent faux. Il s'agit bien souvent de fans qui veulent parler de leur star, mais cela peut aussi être des escrocs ou des personnes qui veulent nuire à la personne dont elle prend l'identité, pour s'en moquer ou l'attaquer.
Cela peut arriver à tout le monde, comme à cet habitant du Pas de Calais qui s'est retrouvé en garde à vue : un homme avait utilisé des photos de lui sur Skyblog, puis donné rendez-vous à des filles pour les voler.
Le 16 février 2010, les députés ont voté en première lecture le très contesté projet de loi d'Orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit Loppsi 2, qui prévoit notamment la création d'un délit d'usurpation d'identité sur internet.
C'est l'article 2 du texte (voir sur la Quadrature du Net) :
Le délit d'usurpation sur un réseau de communications électroniques, de l'identité d'un tiers ou de données de toute nature permettant de l'identifier, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui, sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, même s'il s'agit de la première infraction.
Pour tenter de résoudre ce problème d'usurpation d'identité, de grands acteurs du web, comme Microsoft, AOL, Yahoo, Orange ou bien IBM, apportent leur soutien à une fondation créée aux Etats-Unis et qui propose un système open source de certification en ligne : OpenID permet à l'internaute de s'authentifier auprès de plusieurs sites qui ont intégré cette technologie en utilisant un seul et même identifant. Il suffit de s'enregistrer auprès du site OpenID ou d'un site partenaire. Vous recevez un identifiant unique sous la forme d'une URL. Lorsque vous vous connectez à vos sites habituels, s'ils ont adopté ce système de protection, il suffit de donner cette url personnelle pour être identifié et ne pas avoir à remplir à chaque fois un formulaire détaillant votre identité. L'objectif est que le plus possible de sites adoptent cette technologie open source.
Voir l'article sur wikipédia : OpenID
D'autres projet existent, comme le projet Todeka de Charles Nouyrit :
QUELQUES LIENS :
Mes ressources sur l'identité numérique sur delicious.
Article très complet sur la question : être ou ne pas être sur le net, sur ntic.org
Un blog entièrement consacré à ce sujet : www.identites-numeriques.net
Dans le prochain cours (N°4) nous parlerons d'un outil de publication grâce auquel vous pourrez construire de manière autonome votre image en ligne : le blog.
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